Cet article participe au rendez-vous mensuel « Mots éparpillés » de Margarida Llabres et Florence Gindre, projet inspiré par « Mots sauvages » de Cécile Benoist.
"Pourquoi qu'y zont pas effacé avant d'écrire? Y zavaient pas d'éponge?"
demande la gamine,
La vérité sort-elle de la bouche des enfants?
Sa mère l'entraîne
sans s'arrêter.
Mais derrière elles, la passante, comme chaque semaine,
au retour du marché, se sent hypnotisée,
happée, malgré elle,
par le tourbillon de mots au sol.
Les lignes se coupent,
se recoupent, se chevauchent.
L'équivalent visuel
d'une cacophonie
dans un hall de gare.
Où commencent les phrases, où finissent-elles?
Elle se laisse aller.
Elle plonge.
Elle essaie de se souvenir
des semaines précédentes,
essaie de déchiffrer
les mots plus anciens.
"Un sourire... est essentiel... et international?"
"Installez-vous autour... d'un mot?"
"Bonne et Agréable Rentrée?"
"Un jour... et ses clapotis?"
Clapotis... oui, le clapotis des mots, comme les ronds
laissés par la pierre lancée dans la mare.
Les mots-pierres
lancés
dans la mare de ses pensées,
des mots colorés, des mots...
savoureux.
"Journée harmonieuse... musique..."
Des mots dansants,
zigzagant.
Elle se reprend, se force à s'arracher à la contemplation du sol
et des lignes de mots bien tracés
aux craies de couleurs,
centaines de messages anonymes aux passants
tout aussi anonymes
qu'elle-même.
Pour aujourd'hui, elle ne retiendra
que le dernier ajout,
en forme d'équation:
"Bisous + Sourire = Soleil". Elle le gardera précieusement,
pour pouvoir le ressortir
au prochain jour de pluie.