« Times Square ball » par Clare Cridland — Macy's Times Square crystal ball, New York City. Sous licence CC BY 2.0 via Wikimedia Commons.
Il y a moins de deux semaines, des milliers de personnes célébraient le Nouvel An autour d'elle, de la grosse boule de Times Square. Il est temps que j'en parle, parce qu'elle est de Waterford, oui, elle est d'ici!
C'était pour célébrer l'an 2000 que Waterford Crystal et Philips se sont associés pour redessiner la boule de Times Square. Chaque pièce a été conçue, fondue, coulée, façonnée, coupée, sculptée avec amour par les artisans, que dis-je, les artistes, les maîtres, de la cristallerie de Waterford.
Le cristal de Waterford, de renommée internationale, a été pendant des générations, LE cadeau de mariage O-BLI-GA-TOIRE, comme le savent si bien des milliers de familles irlandaises... ou étrangères avec des racines/des connaissances irlandaises... On aime ou on n'aime pas, mais le cristal de Waterford vaut son pesant d'or. Aujourd'hui les plus belles pièces sont des trophées sportifs et...
MAIS
remontons le cours de l'histoire un moment. Pourquoi et comment le cristal de Waterford a-t-il acquis une telle notoriété?
1. Les débuts, de l'industrie étrangère à l'expertise locale
Au cours du 17ème siècle, le verre devient populaire, signe de richesse, de luxe, et les verreries italiennes (Murano) et françaises (Normandie et Lorraine) fournissent du verre à l'Angleterre. Elizabeth 1ère étant grande admiratrice et consommatrice (le verre de l'époque se brisait très facilement) autorise quelques français, des huguenots, alors persécutés en France, à s'installer et l'industrie du verre anglais démarre. Sautons quelques années, voire un siècle, les expats outre-atlantique ont des problèmes, il faut trouver des fonds pour financer quelques armes, histoire de se défendre, et les taxes en Angleterre augmentent en conséquence. Ces taxes ne touchent pas les "plantations" (= colonies) et des verriers commencent à étudier l'Irlande comme nouveau projet, ils arrivent même à convaincre le parlement qu'établir des verreries coûterait moins cher que d'implanter des armées: en utilisant les sauvages autochtones (les irlandais...) comme main d'oeuvre, ce qui les occupera et les nourrira, ils auront trop à faire pour penser à se rebeller...
Le 18ème siècle voit donc des verreries s'implanter en Irlande, en général dans des forêts qui offrent l'une des matières premières: le bois, qui sert pour les fourneaux et dont la cendre est utilisée avec le silice (venant du sable). A Waterford, une première verrerie voit le jour, mais ne dure pas.
Il faut attendre 1783 pour que la famille Penrose, une famille prospère d'entrepreneurs Quakers, établis depuis une centaine d'années, décide d'investir dans un projet de verre de qualité. George Penrose et son neveu William font venir un certain John Hill, qui détient LA formule secrète pour ce verre de qualité. John Hill est chargé de recruter les meilleurs ouvriers et tout marche comme prévu, avec seulement un léger couac: John se retrouve remercié, apparemment pour avoir approché d'un peu trop près Mme Penrose. Les Quakers ne plaisantent pas avec la morale! Avant de partir, il laisse sa formule magique à son secrétaire, Gatchell, qui devient du jour au lendemain l'alchimiste de la compagnie.
Bien sûr ils fabriquent du verre ordinaire et des bouteilles pour les "public houses" de la région, mais leur ambition est de produire des objets de luxe. Si pour eux mêmes les Quakers produisent des objets purement utilitaires, l'argent ainsi gagné est réinvesti pour le bien commun. Ce qui leur donne un coup de pouce, est la commande d'un lustre de cristal en 1786 pour Dublin Castle, dont la rénovation est le travail de l'architecte Thomas Penrose, cousin des précédents... C'est le début du succès. Toujours à la pointe du progrès, toujours inovateurs, les Penrose et leurs associés produisent un cristal dont la notoriété traverse les mers et les océans... Mais la roue de l'histoire tourne, et bientôt les taxes qui avaient forcé les verriers hors d'Angleterre, sont imposées en Irlande, cette fois pour financer la guerre contre un certain Bonaparte, Napoléon de son prénom... Le déclin économique commence en 1835, les dettes s'accumulent car les commandes d'Amérique restent impayées, le stock en Irlande n'est plus écoulé, les produits de luxe ne sont plus de rigueur. La cristallerie ferme en 1851, avec cependant un moment de gloire, un grand candélabre de pièces de cristal taillées en diamant pour mieux refléter la lumière, exposé à la première Exposition Universelle, sommum de la puissance britannique d'époque victorienne, au Crystal Palace construit à Hyde Park, à Londres, remporte de nombreuses médailles d'or.
A Suivre... 2- Une renaissance, après-guerre