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" -Mme Rickards, vous m'avez fait appeler? son état a empiré? Pourtant hier soir...?
- Il est au plus mal, docteur, et oui, hier soir nous avons bu un verre de vin ensemble, et ce matin son frère ose me dire que c'est le vin qui l'a rendu malade! j'en ai bu moi-même, et vous pouvez constatez que je suis sur pied! Ah docteur, cet homme est méchant, bien méchant. La carafe est restée dans la chambre... Quand je suis allée la chercher, elle était vide, et Richard m'a dit que son frère a jeté le reste du vin dans la cheminée, et lui a servi du thé. Mais vous lui aviez interdit le thé! Malgré tous nos efforts...
- Calmez-vous Mme Rickards. Je vais lui parler, seul. Monseigneur est-il rentré de voyage?
- Nous l'attendons d'ici huit jours Docteur.
- Bien, dès qu'il sera de retour, faites-le moi savoir.
Auparavant, Dr Mackesy va trouver Patrick, l'aide-jardinier, à qui il n'a pas encore
eu l'occasion de parler.
" - Patrick, mon ami, on me dit qu'il y a une infestation de rats cette année?
- Oh m'sieur l'docteur, ça c'est m'sieur James qui dit ça, il doit pas avoir l'habitude, là d'où il vient, il doit y avoir moins de vermine, p'têt ben? Y raconte que les m'lons sont infestés, j'suis allé voir avec mes yeux, ben j'ai rien vu. Il m'a fait acheter du poison l'aut' jour et j'en ai pas vu trace ni dans les m'lons, ni ailleurs. A croire qu'il a oublié d'l'épendre...
- C'est sans doute ça, Patrick.
- Docteur!
- Oui?
- Vous pensez qu'il guérira, M'sieur Darcy? M'sieur Richard?
- Je l'espère Patrick, il va un peu mieux, mais à la grâce de Dieu!
- Ah bon! Passque M'sieur James, il m'a dit tantôt... ben... il m'a dit que m'sieur Richard était vraiment mal, qu'il en avait plus pour longtemps, et que c'est lui James qui allait rester, et qu'il aimerait bien lui, vivre au Palais avec Monseigneur. Et puis maintenant que c'est Mme Kitty qui est morte... vous savez, on raconte des choses."
C'est avec le coeur lourd que Dr Mackesy visite Richard Darcy. Il veut le confronter, lui faire part de ses soupçons, qui visent son frère. Mais il a tort de s'inquiéter.
" - Ecoutez-moi docteur, mon frère est une canaille! Il m'a dit lui-même que j'allais mourir! Eh quoi? il est physicien, peut-être? Non! Il sait que je vais mourir parce qu'il en a fait son affaire!
- Qu'a-t-il à gagner? Avez-vous des biens?
- A vous je peux le dire... J'ai deux cent livres d'économies Docteur, et j'ai fait mon testament... à ma mort c'est ma femme qui allait hériter, et à sa mort, ce qui reste irait à James. Mais maintenant...
- Voulez-vous toujours que votre frère hérite?
- Jamais, docteur, jamais!!! Pensez-vous vraiment que celui qui a enlevé ma femme de ce monde, et m'a réduit à l'état où vous me voyez, mérite un seul sou?
- Où est ce document, Mr Darcy?
- Hé! James l'a trouvé, il faut le lui demander...s'il veut le rendre!
haLe mois de septembre s'écoule, et malgré les soins du docteur, et des personnes qui se relaient au chevet de Richard Darcy, la santé de celui-ci ne tient qu'à un fil. Monseigneur Richard Bourke, évêque de Waterford et de Lismore, est rentré au Palais, et se trouve fort ému du tour qu'ont pris les choses en son absence.
" - Docteur, je vous remercie de votre dévouement pour ce pauvre Richard. Neuf ans à notre service, un homme exemplaire! Pensez-vous pouvoir le sauver?
- Hélas Monseigneur, sa vie est entre les mains du Tout-Puissant. Mon art, en tant que physicien, a ses limites, et je ne puis, sans votre intervention, retirer James Darcy, à l'origine de ces tourments, de votre maison.
- Son propre frère, qui l'aurait soupçonné! Et cette histoire de testament!!! Mais nous l'avons réglé, un nouveau testament a été rédigé, en bonne et due forme, et Richard Darcy l'a signé, de sa propre main. Avec difficulté, certes...
Avec difficulté, car le poison a fait des ravages. Un engourdissement des membres se transforme peu à peu en paralysie. Les jours passent.
Le docteur constate un léger mieux, un ralentissement des symptômes, chez Richard Darcy, ce jour du 30 septembre 1820, ce qui lui fait espérer que ses efforts, et la constante surveillance, ont été récompensés.
Le premier octobre, à huit heures du matin, Mme Rickards fait appeler le docteur d'urgence.
Quelques heures plus tard, Richard Darcy, jardinier en chef et majordome de Monseigneur l'évêque de Waterford et Lismore, après neuf ans de bons et loyaux services, rend l'âme.
Le lendemain 2 octobre, l'autopsie faite par Dr Thomas Lewis Mackesy, en présence de Matthew Poole, Physicien, et John Briscoe, chirurgien, confirme que la mort est due à "une ingestion importante d'arsenic blanc, le poison le plus violent et le plus mortel connu de la profession".
James Darcy, expulsé du Palais par Monseigneur l'évêque, fut arrêté, puis jugé aux assises du mois de mars 1821. Condamné à mort pour fratricide, il fut pendu en public sur la place de Ballybricken, le 20 mars 1821 à deux heures de l'après-midi. Pour l'occasion on dut construire une potence de fortune car il n'y avait pas eu de pendaison dans la ville depuis 1799! Avant de mourir, il déclara lui-même que le châtiment était juste étant donné l'énormité de son crime. Il fut enterré dans le cimetière de Thomas Hill.
Dr Thomas Lewis Mackesy fut nommé en 1869 le président du Royal College of Surgeons in Ireland, c'était la première fois qu'un médecin 'de province' était nommé à ce poste prestigieux.
Nota: les dialogues et la narration ci-dessus sont entièrement le fruit de mon imagination, mais les évènements qui les ont inspirés ont été décrits dans les éditions des journaux locaux, Waterford Chronicle et Waterford Mirror de 1820 & 1821.
Les images 'rétro' ont été trouvées sur le site The Graphics Fairy