"Quand j'allais en mer, j'avais le coeur heureux d'avoir fait une bonne pêche, et je revenais au port heureux de retrouver ma famille. Aujourd'hui je vois mon fils, avant même de faire démarrer le moteur, il doit allumer son ordinateur, et au retour, il stresse de peur d'être arraisonné, il ne sait pas si sa pêche sera saisie parce qu'il a enfreint tel ou tel sous paragraphe d'article de loi. Mais nous, on a la mer dans le sang, on ne peut pas vivre sans pêcher. Et les messieurs de Bruxelles, ont-ils jamais mis le pied sur un bateau de pêche?"
Je ne pensais pas en commençant ce blog, parler de choses d'actualité, mais déjà avec les billets précédents, j'ai glissé sur cette pente, et aujourd'hui c'est une réaction 'à chaud' après avoir été à un 'book launch' (au fait, comment ça se dit, en français?).
Vendredi dernier, après avoir écouté ce qu'une certaine communauté avait à dire: celle des pêcheurs irlandais, je me suis décidée, et encore plus après les infos de ce matin, qui ironiquement pour moi, a remis l'affaire sur le tapis.. Attention!!! je ne parle pas des bateaux-usines, je parle des familles de pêcheurs, comme on parle des familles de petits fermiers. Et pensez-y: le pêcheur, c'est un peu le fermier de la mer. Mais pour la récolte, c'est un peu plus compliqué.
Le crime du pêcheur irlandais? Tout simplement de vouloir pêcher. Comme vous pouvez le voir sur une carte, l'Irlande est une île. Et souvent, les visiteurs me disaient: c'est drôle, on est au bord de la mer, pourtant on ne voit pas beaucoup de poisson. Ou encore: c'est quand même assez cher, le poisson, pourtant il doit y en avoir ici! Oui, les eaux Nord Atlantiques sont partagées par plusieurs pays. 75% de la zone se trouve en eau irlandaise, pourtant l'Irlande n'a droit, dans le cas de la lotte, par exemple, qu'à 7,5% de pêche, contre 55% pour la France et 14% pour le Royaume Uni.
En ce moment tout le monde souffre des décisions prises par le(s) gouvernement(s). Mais il y a des moments où on se dit que trop c'est trop. Vous connaissez le système des quotas? ça veut dire qu'une fois qu'on a atteint son quota, on peut remballer. Le problème du quota, quand on pêche, on ne sait pas quel pourcentage de quel poisson on va retrouver dans ses filets. Et selon les lois européennes, on n'a pas le droit de ramener à terre les poissons non autorisés. Donc on les rejette à la mer, soi-disant pour donner une chance à l'espèce désignée de se reproduire. Mais le poisson rejeté à la mer est déjà mort, avec zéro chance de se reproduire. En 2012, un pêcheur du port de Kilmore Quay dans le comté de Wexford a défrayé la chronique (et a été arrêté) pour avoir refusé de rejeter sa pêche, il l'a ramenée à terre et l'a distribuée gratuitement à tous ceux qui étaient là. Il voulait montrer à ceux qui ne savaient pas, de quoi il retournait vraiment. Et ce matin, on annoncé que 100 pêcheurs se retrouvent sans travail dans ce village... à cause de ces quotas.
En Europe en général, deux millions de tonnes de poisson sont ainsi rejetées à la mer. Ce qui fait mal au coeur, c'est qu'il y a énormément de familles -surtout dans le climat économique actuel- qui bénéficierait de ces 'rejets', des hôpitaux, des cantines, des foyers. Mais c'est illégal de distribuer de la nourriture gratuitement. je sais aussi que ce n'est pas un problème uniquement irlandais, et que les pêcheurs bretons se battent de leur côté, et que ça se passe jusqu'en Australie Ici, dans le budget 2014, les chevaux et les lévriers ont reçu plus du double que l'industrie de la pêche.
Et une île qui avait autrefois une grande flotille de pêche, voit ses ports mourir, ou se transformer peu à peu en marina de luxe.
Voici une vidéo sur les pêcheurs d'Arranmore, dans l'ouest, mais vous pouvez retransposer l'histoire pour chaque port du pays - et il y en a!
Ah oui! Et le livre, c'est du costaud: The State and the Sea Fisheries on the South and West Coasts of Ireland, 1922 -1972. Les dates correspondent à la fondation de la république (1922) et la préparation à l'entrée dans l'Union Européenne (1974).
Je ferai plus léger la prochaine fois, promis!